« Si le personnel de terrain ne connaît pas très bien les normes Sphère, c’est un problème. Il est alors nécessaire de continuer à faire de la formation. » Photo © Richard Mané / The Sphere Project
Boniface N. Deagbo est titulaire d’un doctorat en Études environnementales. Il enseigne la conception et la gestion de projets, ainsi que la gestion des ressources naturelles et le développement durable à l’Institut Facultaire de Développement de Kinshasa. M. Deagbo a travaillé auprès d’une agence gouvernementale avant de rejoindre Caritas Congo ASBL en 2006, en tant que responsable des projets d’urgence.
« C’est Caritas qui m’a initié aux standards du projet Sphère dès le premier jour », se remémore M. Deagbo, qui a ensuite participé à une formation des formateurs à Niamey, au Niger, en février 2008.
« C’est à partir de ce moment que je me suis engagé dans la promotion des standards Sphère. Après la formation à Niamey, les participants de l’Afrique Centrale s’étaient réunis et ils m’ont choisi pour être le point focal du Projet Sphère en Afrique centrale. »
« J’ai commencé à faire ce travail », raconte M. Deagbo, « mais je dois dire honnêtement que ça n’a pas été facile d’avoir des informations sur les formateurs et les activités menées dans le cadre du Projet Sphère dans toute la région. C’est ainsi que je me suis concentré sur la République démocratique du Congo. »
Entre 2008 et 2015, M. Deagbo était coordinateur du département Secours d’urgence de Caritas. Il occupe actuellement le poste de deuxième Secrétaire exécutif adjoint en charge de la qualité des programmes.
En tant que point focal du Projet Sphère au nom de Caritas en RDC, M. Deagbo a organisé de nombreuses activités de formation et largement promu le Manuel Sphère – dont il conserve toujours plusieurs exemplaires en réserve dans son bureau – ainsi que d’autres outils d’appui. « Aujourd’hui, les agences des Nations Unies viennent chercher des informations sur le Projet Sphère chez moi », explique-t-il.
M. Deagbo a joué un rôle essentiel au moment du lancement de l’édition 2011 du Manuel Sphère. Il a également contribué à l’inclusion d’une étude de cas de la RDC dans le court métrage intitulé .
Quel est l’impact des standards Sphère sur le travail entrepris par Caritas Congo ?
« L’utilisation des standards Sphère a un impact très important et très visible sur les interventions humanitaires que mène Caritas Congo », déclare M. Deagbo.
« Le manuel Sphère vise deux choses : la qualité de l’assistance et la redevabilité. Tout d’abord, il faut que l’assistance qu’on apporte aux personnes, aux populations affectées, soit de bonne qualité. On ne doit pas seulement apporter une assistance parce que c’est une assistance aux gens malheureux, aux gens misérables, non ! Il faut que cette assistance-là soit de bonne qualité. Ensuite, on a apporté une assistance, c’est bien, mais il faut en rendre compte, ça c’est une notion capitale dans les interventions humanitaires. »
« C’est pourquoi notre utilisation des standards Sphère a beaucoup joué sur la qualité de l’assistance et sur la redevabilité. C’est ainsi qu’aujourd’hui, Caritas Congo est très, très visible sur le terrain : à Kinshasa, dans le Kivu, dans toutes les provinces. Donc tant le gouvernement congolais que les organisations nationales et internationales se réfèrent à nous. D’où vient cet impact ? Il vient du fait qu’en utilisant les standards Sphère dans les interventions, on assure la qualité de l’assistance et on améliore la redevabilité auprès des bénéficiaires comme des bailleurs de fonds. »
Caritas Congo compte aujourd’hui 2 000 membres de personnel et de très nombreux bénévoles. Elle est active dans trois principaux domaines, que sont le développement durable, la santé et le secours d’urgence.
« Le rôle de Caritas Congo c’est la coordination, le renforcement des capacités, la mobilisation des ressources, la représentation et le plaidoyer », explique M. Deagbo, « alors que les interventions sur terrain sont réalisées par les Caritas diocésaines. Chaque année, nous assistons pas moins de 20 000 familles déplacées, réfugiées et retournées en République démocratique du Congo. »
« Notre département des urgences s’occupe de la prévention en matière de catastrophes. Il prépare les communautés au cas où une catastrophe surviendrait : comment se comporter, qu’est-ce qu’il faut faire ? Et quand il y a une catastrophe, comment y apporter une réponse ? »
« Ce service renforce les capacités des agents et des cadres de Caritas qui travaillent dans l’humanitaire. Et nous faisons aussi de l’éducation, la réinsertion des ex-combattants dans le cadre de la consolidation de la paix, et nous nous occupons des migrants. »
La RDC subit des crises cycliques depuis 1994. « Cela fait plus de 20 ans que la RDC vit dans l’urgence humanitaire. Il y a eu d’abord l’arrivée de réfugiés rwandais, à la suite du génocide. Puis on a enregistré les déplacés de la guerre interne en 1996-1997. Les crises récurrentes continuent jusqu’à aujourd’hui. »
« Aujourd’hui, la RDC vit une crise, avec la rébellion ougandaise dans la zone de Béni, dans le Nord-Kivu, où il y a eu beaucoup de déplacés à la suite des exactions. En plus, il y a les différents groupes Maï-Maï, qui sévissent en Province orientale et aussi dans le Kivu, ainsi que des rebelles rwandais, qui sont encore en brousse. Il y a aussi au Katanga, dans le sud de la RDC, un grand conflit entre les Batsoa et le peuple Bantou, communément appelé les Pygmées. Et on a aussi des réfugiés centrafricains et burundais, respectivement au Nord et à l’Est du pays. En plus de ces crises humaines, on enregistre la résurgence de maladies comme le choléra dans l’ex-Province orientale du Katanga. »
« Voilà les crises humanitaires qui sévissent aujourd’hui en RDC pour lesquelles nous devons agir », conclut M. Deagbo.
Selon Boniface N. Deagbo, le principal défi à relever en vue d’une diffusion élargie des standards de Sphère est l’obtention de l’engagement du gouvernement à leur utilisation. « Comme on le sait, la responsabilité première de l’assistance humanitaire revient d’abord à l’État. Nous sommes donc en train de travailler avec l’État, et nous avons même proposé de former les cadres du ministère des Affaires sociales au Projet Sphère, ce que nous ferons au cours de l’année 2016. »
Un autre défi tient au fait que le personnel de terrain ne connaît pas très bien les normes Sphère. « Les chefs dans les bureaux à Kinshasa, à Goma, à Lubumbashi, par exemple, connaissent Sphère. Mais les chefs ne vont pas tous les jours sur le terrain. Ce sont les évaluateurs, les distributeurs, les enregistreurs qui vont sur le terrain, et s’ils ne connaissent pas très bien les normes, c’est un problème. Il est alors nécessaire de continuer à faire de la formation, surtout du personnel de terrain. »
Le troisième défi est l’immensité du pays. « Ce n’est pas facile de réaliser le suivi de l’utilisation des standards Sphère dans un pays comme le Congo, qui est un sous-continent : c’est quatre fois la France, voyez-vous ? Et puis, il y a des milliers d’organisations. C’est pourquoi j’estime qu’il est capital d’investir dans l’identification et la formation des humanitaires de terrain et l’appui aux points focaux en vue de construire un Réseau Sphère solide dans les différentes régions d’Afrique. »
[Boniface N. Deagbo a pris part à l’ les 28 et 29 octobre 2015.]
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