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Les standards humanitaires comme outil de mise en avant des minorités

Membres de la minorité Rohingya, État de Rakhine, Birmanie. Les cliniques mobiles mises en place par les organisations humanitaires sont leur meilleur atout pour accéder à des soins de santé essentiels, car seuls quelques centres de santé publique les acceptent. Photo © Mathias Eick/UE-ECHO.

Par Christine Knudsen (*)

J’ai eu l’honneur de présenter le travail de Sphère à l’occasion du 9ème Forum sur les questions relatives aux minorités du Conseil des droits de l’homme qui a eu lieu à Genève entre le 24 et 25 Novembre. Il était frappant de remarquer que c’était la première fois qu’une session de ce Forum portait sur les minorités en situation de crise humanitaire.

Les catastrophes et les crises touchent de plus en plus de personnes, et les minorités du monde entier sont désormais la cible d’abus et de harcèlement, forcées de fuir, voire tuées dans le cadre de stratégies guerrières.

Les déplacements de population, par exemple, sont très souvent le résultat de tensions de longue date, sous-jacentes et non résolues, entre groupes majoritaires et minoritaires, qu’ils soient nationaux, ethniques, religieux ou linguistiques.

De manière générale, les populations pauvres sont affectées de manière disproportionnée par les catastrophes naturelles. Les minorités étant très souvent démesurément pauvres, elles sont de fait doublement vulnérables.

Et malgré la pléthore de textes de droit international humanitaire, de droit des réfugiés et de droit international relatif aux catastrophes visant à protéger et garantir la jouissance des droits, nous savons que traduire ces textes en pratique pour toutes les populations affectées demande énormément de travail, renouvelé à chaque crise.

En 1997, des praticiens humanitaires souhaitant se pencher sur ce problème décident de créer Sphère. Tentative volontaire de définition de standards communs pour la promotion de la qualité et de la redevabilité au sein du secteur humanitaire à ses débuts, Sphère n’en a pas moins toujours inséré son travail dans un cadre juridique, éthique, voire moral, plus large.

À l’époque, Sphère représentait un revirement essentiel, passant d’une approche charitable d’octroi d’aide basée uniquement sur les besoins à une approche fondée sur les droits et basée sur la solidarité et la protection de la dignité humaine, même dans les environnements de crise les plus complexes.

Sphère est avant tout une déclaration de droits et de devoirs qui vise à donner un sens concret aux concepts de « droit de vivre dans la dignité » et « droit à l’aide humanitaire ». Donner de la substance à ces droits par le biais de standards décidés conjointement permet à une communauté diversifiée de praticiens de s’accorder sur ce à quoi ressemblent les interventions humanitaires de qualité. Cela nous permet d’être à la fois transparents et redevables.

Les standards nous aident à assurer la prévisibilité et à renforcer la coordination entre un grand nombre d’acteurs parmi les gouvernements et les ONG, voire également ceux des secteurs militaires et non-étatiques. Ils nous aident à réfléchir de manière concertée à l’estimation des besoins, à la conception et à l’évaluation des programmes et à nous assurer d’être aussi efficaces et opportuns que possible. Les standards contribuent à la professionnalisation de notre travail, au renforcement des capacités, aux actions de plaidoyer et à la définition d’un terrain d’entente pour les interventions.

En deux mots, les standards nous aident à traduire les droits et principes en pratique et programmes.

Mais qu’est-ce que cela signifie dans la pratique ? Et pour les minorités ?

La documentation de référence pour la Charte humanitaire sur laquelle ses standards s’appuient, Sphère insiste très nettement sur le principe de non-discrimination dans sa consécration des droits universels et des droits des minorités de jouir des cultures, religions et langues qui leur sont propres.

Les Principes de protection soulignent les vulnérabilités spécifiques aux groupes de minorités religieuses ou ethniques. Les risques spécifiques en lien avec la violence basée sur le genre auxquels les femmes et filles appartenant à des groupes minoritaires peuvent être exposées sont également appelés à être pris en compte.

Les standards sanitaires insistent particulièrement sur la nécessité que le personnel soit représentatif de la diversité présente au sein de la population desservie, y compris par le biais du recrutement de personnes issues des minorités afin d’améliorer l’accès à ces groupes.

Les standards relatifs à la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance rappellent le besoin de garantir un accès économique aux marchés, y compris dans les contextes où cet accès pourrait être limité du fait de l’environnement politique et sécuritaire et/ou de considérations culturelles et religieuses qui pourraient limiter l’accès des minorités à ces ressources.

Cette énumération est loin d’être exhaustif, mais le principe humanitaire sous-jacent d’impartialité – impliquant d’apporter de l’aide sur la seule base du besoin – exige que les acteurs humanitaires interviennent en prenant en compte les besoins spécifiques de toutes les populations touchées par une crise dans la détermination de leurs priorités.

L’exclusion de tout groupe de la prestation d’aide humanitaire, ou le renforcement non-intentionnel des obstacles à l’accès à une telle aide, porte atteinte à ce principe fondamental et contribue à la discrimination plutôt qu’au soutien au relèvement.

La qualité et la redevabilité de l’intervention humanitaire ne pourront être assurées que par la non-discrimination et l’inclusion de tous les groupes vulnérables – et particulièrement les groupes minoritaires.

La création de Sphère s’est appuyée sur deux convictions fondamentales : toutes les personnes touchées par une crise ont le droit de vivre dignement et toutes les mesures nécessaires pour soulager les souffrances lors de ces crises doivent être prises. Cette approche résolument inclusive reconnaît également les vulnérabilités et capacités spécifiques des minorités.

Bien que Sphère contribue à orienter la pratique de manière à concrétiser cette approche sur le terrain, nous sommes bien conscients qu’il y a toujours plus à faire pour améliorer l’intervention humanitaire.

Sphère procèdera l’an prochain à la révision de ses standards. Ce processus impliquera des milliers d’acteurs humanitaires, de représentants gouvernementaux, d’organisations de la société civile et d’autres encore, afin de garantir une approche plus intégrée et inclusive que jamais. J’invite chacune et chacun d’entre vous à nous rejoindre et à contribuer en partageant votre opinion, votre expérience et vos recommandations.

C’est ensemble que nous pourrons mettre en œuvre encore plus efficacement les principes, cadres juridiques, données factuelles et bonnes pratiques qui contribueront à améliorer les vies de celles et ceux qui en ont le plus besoin.

(*) Directrice de Sphère