
Des enfants du camp d’Atma (nord de la Syrie), qui est devenu le foyer temporaire de milliers de personnes qui ont fui la violence, tandis que la guerre continue de faire rage dans le pays. Photo
© Jodi Hilton/IRIN
Publiés en octobre, les sont les derniers arrivés dans la grande famille des standards associés de Sphère – un regroupement de standards humanitaires qui, après avoir été développés par un processus et une approche similaires, viennent compléter le manuel Sphère.
Minja Peuschel copréside la Task Force des Standards minimums de la Protection de l’Enfance au sein du Groupe de Travail international sur la Protection de l’Enfance (GTPE). Le GTPE est le point de rencontre des acteurs de la protection de l’enfance au niveau mondial, et le moteur des standards de protection de l’enfance. La protection de l’enfance est l’un des « domaines de responsabilité » du Global Protection Cluster.
Minja Peuschel consacre l’autre moitié de son activité professionnelle à la fonction de conseillère senior pour la protection de l’enfance qu’elle exerce chez Save the Children à Stockholm. Auparavant, elle avait travaillé pour différentes organisations de la protection de l’enfance et de la violence sexiste au Kosovo, au Libéria, en Côte d’Ivoire et au Soudan.
Si elle refuse aimablement de résumer le concept de protection de l’enfance en situations d’urgence en quelques mots clés, elle l’explique volontiers dans un langage simple :
« La protection de l’enfance consiste à veiller à ce que les enfants touchés par une catastrophe ou un conflit ne souffrent pas d’autres violences ou de menaces de violences. Protéger les enfants dans des situations d’urgence signifie, entre autres, éviter qu’ils soient séparés de leurs familles, recrutés dans des forces ou groupes armés, victimes d’abus sexuels ou de violences physiques. La protection de l’enfance s’attarde également sur le bien-être psychologique des enfants, cherchant à renforcer leur résistance au stress ».
Elle poursuit : « Une grande partie du travail de protection de l’enfance en situations d’urgence consiste à veiller à ce que certaines choses – horribles – n’arrivent pas aux enfants, ou à réduire leurs conséquences si elles se produisent malgré tout. La protection de l’enfance s’emploie à créer les conditions qui permettront aux enfants de rester des enfants ».
[Minja Peuschel] Si les acteurs humanitaires ont veillé à la protection de l’enfance depuis un siècle environ, la définition commune de « protection de l’enfance » en tant que secteur est assez récente. Il aura fallu attendre 2010 pour que les organisations parviennent à se mettre d’accord sur une définition de la protection de l’enfance en situations d’urgence.
Et en vérité, le processus a atteint sa maturité durant la révision du manuel Sphère qui a entraîné l’édition de 2011. La possibilité d’inclure totalement la protection de l’enfance dans le manuel Sphère révisé a été envisagée, avant qu’une série indépendante de standards sur la protection de l’enfance ne soit finalement privilégiée.
Une sage décision, car en nous dotant d’un manuel consacré à cette cause, nous avons pu appréhender de manière plus complète les différents aspects de la protection de l’enfance. En outre, cela a aidé à définir le secteur et à le distinguer des autres. Enfin, nous espérons que cela contribuera à octroyer davantage de visibilité à ce secteur, traditionnellement l’un des moins financés de la réponse humanitaire.
Le manuel sur la protection de l’enfance inclut également des standards qui visent à diffuser la protection de l’enfance dans d’autres secteurs. À notre sens, la protection de l’enfance doit être prise en considération dans tous les domaines de la réponse humanitaire. Car quelle que soit la situation d’urgence, tout le personnel humanitaire doit être conscient de la nécessité de protéger les enfants, et savoir comment procéder pour ce faire.
Par le passé, nous disposions de directives pour les différents aspects du travail autour de la protection de l’enfance, certaines développées entre des agences. Nous avons constaté un réel besoin d’une série de standards à même de couvrir tous les aspects et de proposer un cadre à tout le secteur.
Dans le même temps, les directives sont dotées d’une sorte de statut consultatif, tandis que les standards nous permettent de franchir une étape supplémentaire et d’augmenter ainsi la redevabilité. Il s’agit d’un secteur qui sauve des vies, et qui requiert par conséquent des standards bien à lui.
Nous souhaitions également améliorer nos techniques de mesure de notre activité, ce qui est un intérêt partagé par exemple par des gouvernements et des donateurs désireux de mieux comprendre la protection de l’enfance et d’accroître la redevabilité en la matière. À cet effet, disposer d’indicateurs est un plus, même s’il est toujours délicat de les définir. En collaboration avec le Projet Sphère, nous avons développé plus en avant le format des indicateurs.
Bien entendu, il est plus difficile de définir des standards pour des choses que vous ne souhaitez pas voir se produire – par exemple, le recrutement d’enfants dans des groupes armés – alors que c’est précisément ce qui nous occupe souvent dans tous les secteurs de la protection de l’enfance. Notre objectif ultime est que les enfants soient heureux, qu’ils ne soient pas recrutés ou victimes d’abus, qu’ils ne souffrent pas de stress et qu’ils puissent s’épanouir dans des environnements familiaux. Mais comment faire pour le définir ?
Je crois que oui ! Même si, comme je l’ai dit, la protection de l’enfance s’accompagne de défis liés aux mesures et peut être moins clairement définie que d’autres secteurs.
Par exemple, le concept même de standards « minimums » est délicat en matière de protection de l’enfance. Si des enfants sont touchés par une guerre ou une catastrophe, quel est exactement le « minimum » à cibler ? Nous ne pourrons jamais accepter qu’un seul enfant soit recruté dans une force ou un groupe armé ou soit victime d’abus sexuels. Nous voulons protéger tous les enfants sans exception de graves violations telles que celles-ci. Mais dans le même temps, pas question que les standards minimums ne soient édulcorés.
Après un an et demi, nous n’avons pas assez de recul pour pouvoir dépeindre concrètement l’« impact » des standards. Cela dit, nous avons reçu quantités de feed-back positifs des agences et des gouvernements qui soulignent à quel point les standards leur sont utiles en matière de planification ou de coordination. De plus, nous disposons de données empiriques claires qui démontrent que les standards sont de plus en plus utilisés. Mais il nous est pour l’heure impossible de mesurer l’impact de tous ces progrès sur les enfants.
Il est plus facile de faire la liste de ce qui a été accompli. Ainsi, les standards sont désormais disponibles en six langues, dont deux sont le fruit de traductions spontanées. Nous avons mis au point du matériel de communication, des listes de contrôle d’institutionnalisation et des directives de contextualisation.
Il existe déjà des versions contextualisées du manuel pour la Jordanie, la République démocratique du Congo et le camp de réfugiés Dadaab au Kenya. Et bien entendu, nombre de lancements, présentations, formations et ateliers ont déjà eu lieu dans bien des pays et pour différents publics.
Les organisations membres du groupe du travail s’autoévaluent sur la mise en œuvre des standards, après les avoir par exemple présentés au personnel et inclus dans des outils organisationnels ou des directives.
Nous travaillons également avec les sous-groupes et les groupes de travail de la protection de l’enfance nationaux et régionaux, qui sont les canaux naturels pour la mise en œuvre et l’utilisation des standards au niveau des pays.
Nous avons travaillé en étroite collaboration et avons puisé notre inspiration du Réseau inter-agences pour l’éducation en situations d’urgence (INEE), qui a développé les Normes minimales pour l’éducation : préparation, interventions, relèvement – l’un des standards associés du manuel Sphère. Cette collaboration nous permet de nous reposer énormément sur leur expérience et sur les leçons tirées.
À nos yeux, l’accord de partenariat avec le Projet Sphère a une importance considérable.
Ces deux dernières années, nous avons assisté à une hausse de la demande des capacités de protection de l’enfance. Je pense réellement que disposer de standards de protection de l’enfance, qui plus est associés au manuel Sphère, a significativement contribué à l’assimilation de la protection de l’enfance comme un secteur professionnel par d’autres secteurs humanitaires, managers humanitaires, donateurs et médias.
À cela s’ajoute bien entendu la collaboration. Sphère et les autres standards associés nous apportent coopération et soutien, et nous avons pu nous appuyer sur leur travail, sans avoir à partir de zéro.
Parmi nos projets immédiats, je citerais le développement d’une série de vidéos à utiliser dans des formations, qui expliqueront ce que sont les standards de protection de l’enfance.
Nous lançons aussi un projet qui nous permettra de faciliter le développement de versions contextualisées des standards par sous-groupes nationaux en Afrique de l’Est et Afrique centrale, avec un accent sur la corne de l’Afrique et les régions des Grands Lacs.
Plus tard ce printemps, nous mettrons également au point des versions des standards adaptées aux enfants et aux jeunes. De cette façon, ils auront conscience de ce que les travailleurs humanitaires doivent faire pour les protéger et du rôle qu’ils peuvent eux-mêmes être appelés à jouer en situations d’urgence.