L’arrivée de plus de 600 000 personnes – pour la plupart des réfugiés – dans l’Union européenne durant 2015 a braqué le projecteur sur la contribution cruciale que les standards humanitaires apportent au moment de faire valoir le droit à vivre dans la dignité pour les personnes qui fuient les conflits et la violence.
Au début du mois d’octobre, la chancellière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande ont implicitement reconnu ce lien lors de leur discours conjoint devant le Parlement européen : « Nous devons voir [les réfugiés et les migrants] comme des personnes, qu’ils aient des chances de rester ou non. Les standards humanitaires d’hébergement et de traitement de leurs demandes doivent être respectés ».
Les deux leaders politiques faisaient écho aux appels précédemment lancés par des agences humanitaires.
Fin août, Éamonn Meehan, le directeur exécutif de Trócaire, a exhorté les autorités européennes à appliquer « les standards humanitaires pour sauver des vies, protéger les plus vulnérables et réduire les souffrances » et à mettre à disposition les ressources nécessaires pour pourvoir à leurs besoins.
« Il incombe à tous les pays européens de traiter les réfugiés conformément aux standards internationaux, et les difficultés politiques nationales ne sauraient constituer un prétexte », a déclaré Benedicte Giæver, directrice du déploiement en cas d’urgence du Conseil norvégien pour les réfugiés, à la mi-septembre.
Comme l’a résumé le Conseil international des agences bénévoles (International Council of Voluntary Agencies – ICVA) : les réfugiés et les migrants « ont le droit d’être accueillis avec dignité et respect pour leurs droits, quel que soit leur statut en matière d’immigration ».
Parmi d’autres besoins tout aussi essentiels pour atteindre cet objectif, l’ICVA a souligné la nécessité urgente d’« installations d’accueil avec un personnel formé […] pour recevoir, aider, enregistrer, examiner et transférer les arrivants en respectant leur dignité humaine ».
La formation des membres du personnel pour qu’ils puissent correctement appliquer les standards humanitaires Sphère : telle est l’une des préoccupations du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs – OCHA) en Turquie, pays qui accueille quelque deux millions de réfugiés syriens.
Pour soutenir cette évolution, OCHA Turquie reconnaît qu’il est nécessaire de former le personnel humanitaire pour qu’il sache se servir du manuel Sphère. Ainsi, l’agence – en collaboration avec CARE, Save the Children et le bureau de Sphère – a organisé un atelier de travail destiné aux experts pour adapter le cours de formation Sphère au contexte syrien.
Cet atelier a eu lieu à Gaziantep, à quelque 40 km au nord de la frontière syrienne, vers la fin du moins de juillet. À l’aide d’exemples de terrain tirés du contexte syrien, il a démontré l’applicabilité des standards et indicateurs Sphère à la réponse humanitaire en Syrie, tout en mettant en relief les défis potentiels liés aux aspects précis de la crise.
Cet atelier a décrit un plan d’action pour la diffusion des standards Sphère à travers des activités de formation Sphère adaptées et en arabe. Ces activités cibleront les membres du personnel d’ONG internationales et nationales qui travaillent dans le cadre de la réponse syrienne, que ce soit en Syrie même ou de l’autre côté de la frontière, en Jordanie, au Liban et en Irak.
Une activité de formation de trois jours a déjà eu lieu en juillet ; deux autres activités similaires, ainsi qu’un cours de formation des formateurs, sont prévus pour la fin 2015. Un groupe de référence Sphère en Turquie est en cours d’établissement et travaillera en étroite collaboration avec les points focaux Sphère du pays.
Un point chaud de la crise des réfugiés et des migrants en Europe est ce que l’on appelle la « jungle de Calais », où plus de 3 000 hommes, femmes et enfants vivent dans des camps informels.
D’après une étude récemment effectuée par l’Université de Birmingham, les conditions dans les camps de Calais « ne satisfont pas aux standards recommandés par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou le Projet Sphère ».
Les chercheurs universitaires ont identifié des « lacunes sur les plans des abris, de l’alimentation et de l’innocuité de l’eau, de l’hygiène personnelle, des installations sanitaires et de la sécurité ». Selon des professionnels médicaux français, les conditions de prestation des soins de santé sont inacceptables.
Il n’est pas surprenant que la situation de la « jungle de Calais » ait incité des milliers de personnes bien intentionnées à passer à l’action. Malheureusement, dans de nombreux cas, les biens donnés ne correspondent pas aux besoins et les personnes désireuses d’apporter une aide ne sont pas conscientes des besoins logistiques de leur mission.
« Une crise humanitaire peut avoir lieu n’importe où. Mais il se trouve que, dans ce cas, il y en a une à notre porte », explique Martin McCann, membre du conseil d’administration de Sphère et directeur général de RedR UK. RedR UK, ONG britannique se spécialisant dans le renforcement des capacités humanitaires, dispense actuellement une formation à des volontaires qui travaillent à Calais.
Les activités de formation se concentrent sur les aspects essentiels des principes et des pratiques humanitaires, et couvrent l’évaluation des besoins, la coordination, les standards Sphère et la redevabilité. Jusqu’ici, trois ateliers d’une journée ont aidé 56 volontaires venus de plusieurs organisations populaires.
Les participants aux ateliers ont mis en relief l’accent mis sur la dignité des bénéficiaires et l’amélioration de l’efficacité de leur travail. « Les standards Sphère sont incroyables ! En gros, ils introduisent une certaine cohésion au milieu du chaos », a déclaré Dan Teuma, un des fondateurs de CalAid.
L’Allemagne, géographiquement située au centre de l’Europe, se trouve également au cœur de la réponse à la crise, comme destination de prédilection pour de nombreux réfugiés et migrants arrivant en Union européenne.
« Nous avons déjà commandé des manuels Sphère en allemand et nous allons maintenant auprès des antennes locales d’ASB, dont l’organisation est décentralisée », explique M. Schmidt. Le plan est de proposer des ateliers in situ d’une demi-journée. « ASB a beaucoup à faire en ce moment, et ne dispose donc pas de beaucoup de temps ».
ASB travaille dans le domaine de la protection civile, des secours et des services de protection sociale. Elle administre actuellement quelque 70 ou 80 centres d’accueil pour les réfugiés et les migrants dans l’ensemble du pays. « Il est difficile d’en indiquer le nombre exact, car trois ou quatre centres ouvrent leurs portes toutes les semaines », explique M. Schmidt.
ASB a quelques milliers de membres du personnel et volontaires, qui sont pour la plupart habitués aux approches de secours et paramédicales, dans le cadre desquelles ils s’occupent de « victimes », explique M. Schmidt. Mais travailler avec des réfugiés, c’est complètement différent. « Les réfugiés sont des gens pleins de ressource, et il faut travailler avec eux », dit-il.
« Dans ces circonstances, l’approche de Sphère axée sur les personnes fournira une orientation essentielle. »