
Formation de travailleurs humanitaires aux Philippines après le typhon Haiyan. Photo © Loren Hyatt / Lutheran World Relief
Lorsqu’une catastrophe inattendue survient, la capacité des acteurs humanitaires à y répondre est souvent exploitée à son maximum et du personnel supplémentaire doit être recruté sur place. Parallèlement, les élus, qui n’ont pas l’habitude de gérer des situations d’urgence, se retrouvent face à une kyrielle de demandes à laquelle ils doivent répondre. Ajoutez à cela des bénévoles, et vous obtenez une situation dans laquelle la formation aux standards humanitaires durant la catastrophe devient essentielle.
Nous avons consulté des formateurs Sphère expérimentés pour leur demander des conseils sur la manière de gérer ce type de situation. Voici leur réponse.
« La formation doit être adaptée au contexte, explique Uma Narayanan, une formatrice établie en Malaisie, et se rapporter directement à l’intervention d’urgence en cours. » Elle suggère, par exemple, d’organiser de petits ateliers portant sur la préparation des paquets contenant les biens de première nécessité.
« Assurez-vous d’utiliser des études de cas et des exemples tirés de la situation d’urgence vécue », confirme la formatrice Anne Lloyd, établie au Royaume-Uni.
Tous les formateurs consultés s’accordent sur le fait qu’au tout début d’une intervention d’urgence, l’activité est intense et le personnel mobilisé ne dispose que de peu de temps pour assister aux ateliers, aussi importants soient-ils. C’est pourquoi les formations doivent être courtes. Mais que signifie exactement « court » ?
Pour Martín Villarroel García, formateur en Bolivie, la durée maximale d’une formation ne doit pas dépasser deux jours. Selon U. Narayanan, une demi-journée constitue la durée idéale.
A. Lloyd recommande une journée d’atelier que l’on peut développer par la suite : « Je trouve qu’une journée d’introduction suivie d’une visite sur le terrain portant sur l’utilisation de Sphère en pratique, ponctuée de conseils pratiques, fonctionne très bien » précise-t-elle.
« C’est important de centrer la formation sur des problèmes concrets », déclare M. Villarroel. Par exemple, en sus des études de cas, il suggère de se concentrer sur les actions clés décrites dans les chapitres techniques du manuel Sphère.
Pour A. Lloyd, il est important de tirer parti de toutes les opportunités qui permettent de promouvoir l’usage des standards Sphère. Outre les visites sur le terrain, elle indique que des réunions des différentes groupes sectoriels sont un moment privilégié pour rappeler aux participants le besoin de travailler selon les standards humanitaires.
U. Narayanan souligne également le besoin d’un « rappel constant des standards Sphère sur les différentes tribunes publiques et plateformes », ce qui accessoirement augmente la réceptivité du personnel humanitaire aux activités de formation.
« Chaque fois qu’il y a eu des activités de formation Sphère organisées avant la catastrophe, il faut s’en servir », explique A. Lloyd. De même, « l’implication des formateurs locaux est utile pour apporter une expérience plus pertinente de formation », ajoute U. Narayanan.
« Les ateliers de formation doivent adopter une approche pluridisciplinaire en regroupant les membres du personnel issus des différents domaines d’intervention », témoigne M. Villarroel.
Pour U. Narayanan, les représentants de l’État sont un public clé qui doit être ciblé : « Leurs préoccupations sont différentes, tout comme les questions et leurs attitudes, poursuit-elle, même s’ils ne les expriment pas explicitement. »
A. Lloyd confirme : « les élus peuvent avoir des inquiétudes et s’interroger sur les standards Sphère. Il est donc important de les inclure dans toutes les opportunités de formation. »
« Dans les premières phases de l’urgence, il faut veiller à ce que le manuel Sphère soit disponible au plus grand nombre », indique A. Lloyd.
Ce qui est parfois plus facile à dire qu’à faire. En effet, M. Villarroel se souvient d’une mallette pleine de manuels Sphère restée bloquée à la douane d’un pays, malgré l’autorisation officielle d’entrée.
Il raconte : « Nous avons réussi à distribuer à chacun des 35 participants une photocopie de la version papier du manuel simplifié élaboré en Amérique Latine. Pour ce faire, nous avons utilisé tout le (peu de) papier et d’encre que nous avions à disposition au ministère de la Santé. »
« Évitez de trop entrer dans les détails » conseille U. Narayanan.
« [Inutile] de se concentrer sur des problèmes théoriques ou historiques, ajoute M. Villarroel. Même si les principes et les droits humanitaires sont essentiels, il n’est pas recommandé de se focaliser sur les aspects purement juridiques », insiste-t-il.
M. Villarroel préconise également de ne pas s’attarder excessivement sur les indicateurs clés du manuel Sphère, mais plutôt sur les actions clés.
« Cela constitue souvent un sujet d’inquiétude : que le recours aux standards Sphère au début d’une intervention d’urgence de grande ampleur soit trop ambitieux, déclare A. Lloyd. Cependant, les personnes peuvent être encouragées à les utiliser sans vouloir à tout prix respecter tous les standards au début de l’intervention, mais d’y tendre, ou tout du moins, d’en tenir compte et de réfléchir aux conséquences de leur non-respect. » ajoute-t-elle.
Dans toutes les situations d’urgence, il est primordial de réfléchir à la manière dont les standards Sphère peuvent être utilisés, aux objectifs de chacun, ou à l’utilisation de Sphère pour sensibiliser un public », conclut-elle.
Tout est dit dans le titre.
« Les ONG qui ignorent tout du déroulement d’une intervention suite à une catastrophe, par exemple, parce que leur mission s’oriente davantage vers le développement, sont généralement très ouvertes aux standards de qualité humanitaires, un aspect à ne pas négliger », explique U. Narayanan.
Selon M. Villarroel : « Les principes et les standards Sphère expriment un engagement envers l’action humanitaire en faveur des populations vulnérables.
La formation en situation d’urgence, poursuit-il, est un art qui conjuge le plus urgent au plus indispensable, c’est-à-dire, qui associe l’application des principes et droits énoncés dans la Charte humanitaire (vie dans la dignité, assistance et protection) et la rapidité que requiert une intervention. C’est plus facile, ajoute-t-il, lorsque les acteurs humanitaires s’engagent à les respecter. »
« Parfois, l’enthousiasme dont font preuve les participations est contagieux, comme ce fut le cas lors d’, à laquelle participaient des ONG locales et internationales ainsi que des représentants de l’État, se souvient U. Narayanan. Ces expériences me motivent et me donnent envie de poursuivre la promotion des standards Sphère. »